« Il en faut du génie pour créer quelque-chose qui nous submerge, nous éclipse, […] nous dévore.. »
Mary Wollstonecraft Shelley, Letter to Sir Walter Scott, 1814
Alos Kelen, quelqu’un dautre?
Alos Kelen est né en 1964 à Jaklovce en Tchécoslovaquie, actuelle Slovaquie . Encore tout jeune, il est mû par sa curiosité insatiable, et une furieuse envie de sortir de sa condition, en partageant sa manière unique et iconoclaste de représenter le monde tel qu’il le voit.
A l’âge de 12 ans, alors qu’il accompagne son grand père sur le marché local de Prakovce, non loin de Jaklovce, il perce une betterave épluchée avec petit arceau métallique et demande alors au gens de la déplacer au fur et à mesure de leurs achats dans les stands, laissant la trace quasi-indélébile du légume un peu partout dans le marché. Il recommencera l’expérience encore et encore, ce qui devint une habitude au sein de la communauté et une manière pour le jeune Alos d’élaborer ce qui s’apparente à une première œuvre d’art collective.
Reproduction de « Voyage » de 1976
À 17 ans, Alos découvre la revue surréaliste Minotaure et est inspiré par les esprits créatifs de Man Ray, Tzara et Brassaï. Il décide alors de suivre la voie de la création malgré ses obligations en tant qu’étudiant et travailleur agricole. Il lit beaucoup de livres, y compris des classiques de la littérature tchèque, et est influencé par Les Aventures du brave soldat Švejk de Jaroslav Hašek. Après l’indépendance de la Slovaquie en 1992, il quitte son pays pour Vienne, où il reste pendant cinq ans et s’imprègne des changements artistiques de l’époque, notamment les considérations sociales et les abstractions.
Après son retour en Slovaquie en 1998, le travail d’Alos prend de l’ampleur et devient célèbre pour son exploration de l’absurde. Ses expositions confidentielles et mystérieuses, souvent éphémères et inappropriables, acquièrent une réputation sulfureuse auprès du grand public. Malgré des études assidues du français pendant sa jeunesse, sa première exposition solo à Paris en 2002 est un échec en raison de son manque de communication et de son caractère obscur. Cependant, il se démarque grâce à l’art éphémère et gratuit, et la frustration et la fascination du public deviennent des moteurs pour son travail.
Alos, dont l’œuvre attire l’attention de quelques critiques d’art, rejette un article écrit par Myriam Boutoulle pour Connaissance des arts en août 2010, le déclarant presque entièrement faux sur le contenu de ses précédentes expositions et sa biographie. Il justifie cela en joignant une mèche de cheveux, des médicaments, une carte sans nom et une médaille de bronze à sa lettre de retour. Étant donnée l’impossibilité de vérifier les sources et l’absence de consentement de l’artiste, l’article ne paraîtra jamais. Alos organise ensuite une exposition en 2013 à Varsovie, présentant des origamis approximatifs sur des présentoirs chics, mais ceux-ci ont été réalisés par un artiste sans-abri récupérant des vieux livres dans le Praga-Północ environnant.
Alos, concédant au Slovak Art Magazine être influencé par les surréalistes français, les artistes Dada et les pionniers du pop-art, privilégie le collaboratif et le participatif dans son travail. Lors d’une exposition au CCCB de Barcelone, il installe « Glory » une toile vierge était laissée à disposition pour que le public puisse y ajouter des traits de peinture, le tout séparé d’une planche percée d’un trou juste assez grand pour y laisser passer le bras, et ainsi peindre à l’aveugle.
En 2017, lors d’une exposition à Berlin, certains visiteurs ont connu un épisode hallucinatoire léger, qui aurait pu être causé par des prospectus recouverts de jus de Salvia divinorum, ou par le syndrome de Stendhal.
« Intérieurement : la solitude. Je suis ici. Sous la Terre, sous la mer, dans les entrailles de
M. A. qui fut notre création, destinée à utiliser mieux que nous notre temps gaspillé. »
Harlan Ellison, Je n’ai pas de bouche et il faut que je crie, 1967
Victoria, les veines de métal.
Victoria est née en 1992 à Haïti et y a passé les 18 premières années de sa vie. Cette période de sa
vie est marquée par une curiosité intense envers l’univers des technologies, en particulier de
l’électronique grâce à son père André, gérant d’un magasin de réparation de matériel électronique,
tout en grandissant dans la communauté vaudou. Elle découvre alors l’informatique et internet, via
d’anciens ordinateurs de la boutique de son père ou dans des cybercafés, diffusant ainsi ses
premières œuvres en ligne. Victoria vouera une véritable obsession pour les technologies et la
culture artistique et poplulaire occidentale, qu’elle découvrira pleinement lors de son arrivée en
France, après avoir quitté Haïti suite au seisme meurtrier qui ravagea l’île.
A la recherche du court-circuit.
Elle transformera alors sa chambre en banlieue parisienne en atelier électro-artistique, véritable laboratoire d’expérimentation où elle s’evertuera à combiner ses obsessions : l’électronique, l’art … et le vaudou. Car dès lors, Victoria bascule vers une envie de renouer avec sa culture traditionnelle et d’affirmer ses origines Haïtienne, portées entre autre par ses héritages vaudous. En résultera une approche unique, une réflexion sur le choc entre les périodes, le face à face entre la tradition et le monde moderne, dont on imagine avec obstination l’incompatibilité.
La sainte icône électrique.
De ce parcours unique émergere le cœur du travail de Victoria : Elle élabore des plans hybrides
et fonctionnels,mélanges entre des circuits électriques et les représentations traditionnelles des
divinités vaudous, les Vévés. Elle fabrique alors le circuit imprimé correspondant au plan et l’utilise
pour concevoir des objets élecriques aussi bien absurdes qu’intriguants.